Avis Death Stranding 2 : l’éloge du confort dans un monde encore brisé

Avis Death Stranding 2 : Bienvenue aux adeptes de la marche post-apocalyptique !

En 2019, Death Stranding débarquait comme un OVNI vidéoludique, diviseur de masse, étrange cathédrale de solitude et de colis à livrer dans un monde fracturé. Œuvre aussi brillante qu’incompréhensible pour certains, le jeu de Kojima avait marqué les esprits, en bien comme en mal.

Cinq ans plus tard, Death Stranding 2 revient poser son sac et ses ambitions dans un paysage vidéoludique bien différent, porté par des attentes aussi lourdes que le chargement de Sam Porter Bridges. Plus accessible, plus lisible, plus généreux… mais aussi peut-être moins audacieux, ce nouvel épisode entend concilier vision d’auteur et confort moderne.

Mais alors, la vision Kojima s’est-elle simplifiée à outrance ? L’univers a-t-il encore quelque chose à raconter ? Et surtout… peut-on encore tomber en plein ravin, ou est-ce définitivement de l’histoire ancienne ?

UN JEU Kojima par Kojima

Dans Death Stranding 2, Kojima, comme à son habitude, navigue à la frontière de ses propres créations, recycle, transforme, recontextualise. Ce nouvel opus ressemble à une lettre d’amour à son propre univers, mais une lettre rédigée dans un fauteuil moelleux, une plume dorée à la main.

L’urgence créative du premier épisode s’estompe, remplacée par une sérénité presque suspecte. Le jeu n’a pas faim. Il est rassasié, sûr de lui, étalant ses moyens, son ambition visuelle, sa narration maîtrisée, au risque de devenir une relecture trop lisse d’un projet autrefois radical.

Le jeu n’a pas faim. Il est rassasié, sûr de lui, étalant ses moyens, son ambition visuelle, sa narration maîtrisée.

La sensation dominante ? Celle d’un jeu qui ne veut plus vous contrarier.
Là où le premier Death Stranding dressait des murs, celui-ci construit des rampes d’accès. On n’avance plus contre le jeu, on avance avec lui. Presque malgré soi.

avis Death Stranding 2

Le transport facilité : quand le terrain devient secondaire

Là où le premier épisode était un manifeste de l’effort, de la pénibilité glorifiée, de la sueur digitale, Death Stranding 2 opte pour une accessibilité renforcée.
Le chemin n’est plus un calvaire. Il devient un couloir panoramique, un itinéraire balisé par la technologie. Monorails, véhicules, cercueil-skateboards (oui), drones de soutien… L’arsenal logistique explose, et le joueur avec lui. On se déplace vite, bien, confortablement. L’idée même d’un terrain hostile s’érode lentement. Le relief n’est plus une épreuve, c’est un élément de décor, pittoresque, grandiose, mais jamais dissuasif.

Le chemin n’est plus un calvaire. Il devient un couloir panoramique, un itinéraire balisé par la technologie.

On pourrait y voir une évolution logique. Une avancée naturelle vers la fluidité.Pourtant, une part de l’identité originelle s’évapore. Ce sentiment étrange d’être seul face à la matière du monde, d’être à la merci d’une pierre mal placée, d’un sac trop lourd, disparaît.Le danger devient conceptuel, presque théorique. Le jeu ne vous résiste plus, sauf si vous l’y obligez.

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Gadgetophilie assumée : du gameplay en vitrine

L’inventaire du joueur est devenu une véritable caverne d’Ali Baba militaire. Modules défensifs, gadgets de déplacement, capteurs, leurres, dispositifs de camouflage… La panoplie est vertigineuse, presque absurde dans sa richesse. À cela s’ajoute une IA ennemie plus tolérante, qui n’exige jamais vraiment une réponse intelligente de la part du joueur.

Tous ces outils deviennent des jouets, des options secondaires, reléguées à la vitrine d’un système de jeu trop permissif pour en exploiter les nuances.

Alors oui, on peut tout faire. Se faufiler comme une ombre, déclencher un assaut frontal d’une brutalité contrôlée, combiner les deux. Mais à aucun moment le jeu ne vous pousse dans vos retranchements. Il ne cherche pas à vous faire sortir de votre zone de confort. La tentation est grande de choisir la solution la plus simple (celle frontale), et elle fonctionne. Il ne s’agit pas tant d’un manque de challenge que d’un manque de nécessité.
Tous ces outils deviennent des jouets, des options secondaires, reléguées à la vitrine d’un système de jeu trop permissif pour en exploiter les nuances.

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Une histoire plus lisible, mais moins étrange

Narrativement, Death Stranding 2 joue la carte de la clarté. Le joueur, cette fois, ne débarque plus dans un monde cryptique sans repères. Il connaît les enjeux, les termes, les bases. La structure est limpide, presque classique dans ses enchaînements. L’intrigue s’attarde davantage sur les relations humaines, les destins croisés, les douleurs intimes. Kojima parle d’émotions, de liens, de mémoire, moins de concepts.
On sent une volonté de recentrer la narration sur des bases émotionnelles, sans pour autant abandonner la mise en scène à grand spectacle.

La “métaphysique post-apocalyptique” du premier opus cède le pas à un récit plus affectif, plus digeste, mais aussi plus prévisible.

Mais dans ce choix d’humanisation, le jeu abandonne une partie de sa bizarrerie fondatrice. La « métaphysique post-apocalyptique » du premier opus cède le pas à un récit plus affectif, plus digeste, mais aussi plus prévisible. Les rebondissements sont nombreux, parfois jouissifs, parfois de trop. On sent que Kojima s’amuse, qu’il joue avec le joueur, comme un réalisateur de série télé à twist qui a lu trop de forums Reddit. Parfois ça fonctionne. Parfois non. Mais c’est toujours sincère.

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Une performance technique hallucinante

Visuellement, le jeu est une gifle. Un chef-d’œuvre technologique qui n’oublie jamais d’être aussi une œuvre d’atmosphère. Les paysages sont hallucinants de détails, la lumière découpe les visages comme au cinéma, les textures vibrent de réalisme. C’est une PS5 exploitée jusqu’à la moelle. L’optimisation est irréprochable, la fluidité constante, la direction artistique cohérente.

C’est une PS5 exploitée jusqu’à la moelle.

Les effets météorologiques viennent appuyer ce sentiment d’immersion totale : tempêtes de sable, neige aveuglante, pluies acides, séismes… Chaque événement météo est un tableau, un moment d’impact. Mais une fois passée la surprise visuelle, on réalise qu’ils n’ont qu’un rôle décoratif, rarement stratégique. Là aussi, le danger est mis en scène, mais jamais pleinement exploité.

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Un jeu plus permissif, et donc plus convenu

La permissivité du jeu est son confort… et son piège. On peut le rendre exigeant, mais on doit s’en convaincre soi-même. Rien ne pousse à la difficulté, rien ne contraint à l’intelligence tactique. Le joueur est libre. Trop libre, peut-être. Là où Death Stranding 1 suscitait la frustration, il créait aussi de la tension, de la mémoire. Ce second opus, en adoucissant la courbe d’engagement, risque de devenir un voyage plus plat émotionnellement, une suite, dans le mauvais sens du terme.

La permissivité du jeu est son confort… et son piège

On est face à un jeu qui s’offre à tous, qui se rend plus aimable, plus accessible. Mais ce faisant, il perd une partie de sa spécificité. La structure est identique à celle du premier, les systèmes presque tous repris, les idées à peine altérées. Ce n’est pas un problème en soi. Sauf si l’on attendait une progression, une mutation.Kojima ne surprend plus…

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Une vision d’auteur toujours intacte, mais en demi-teinte

Et pourtant… malgré tout cela, l’expérience reste saisissante. Il y a quelque chose d’indéfinissable dans la vision de Kojima, une sincérité créative, une obsession du détail, une audace formelle, qui continue de faire de Death Stranding 2 une œuvre unique. Si vous avez aimé le premier, vous retrouverez ici ce que vous aimiez. Si vous l’avez détesté, rien ne vous fera changer d’avis. C’est le même ADN, servi dans un emballage plus doux, plus coloré, plus immédiat.

Si vous avez aimé le premier, vous retrouverez ici ce que vous aimiez. Si vous l’avez détesté, rien ne vous fera changer d’avis.

Les performances des acteurs sont remarquables. Norman Reedus est toujours aussi magnétique, et le casting secondaire assure sans faillir.
Hélas, certains personnages féminins donnent à nouveau cette impression gênante d’être là pour servir de faire-valoir, pour dramatiser, pour faire écran plutôt que pour agir. Une récurrence dans l’œuvre de Kojima, qu’on aimerait voir dépassée.

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Avis Death Stranding 2 : Fiche d’identité du jeu

🏢 Édité parSony Interactive Entertainment👥 Public+18
🛠️ Développé parKojima Productions🤝 Fourni par l’éditeurOui
📅 Date de sortie26/06/2025💻 Testé surPS5
🎮 PlateformesPS5⏱️ Temps de jeu45h

✅ POINTS POSITIFS

❌ POINTS NÉGATIFS

Un univers toujours aussi unique et marquant Une structure très proche du premier opus
Techniquement impressionnant, visuellement sublime Une difficulté trop permissive si l’on ne s’impose pas de contraintes
L’ADN Kojima toujours présent Beaucoup de gadgets finalement dispensables
Le skin Junji Ito (oui, ça compte) L’impact des effets météorologiques reste avant tout esthétique
Une bande son réussie (GG Woodkid)

NOTE : 17/20

Rem
Rem

Amoureux du 7ème art et né une manette à la main, j'explore un maximum d'horizons.

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